Congo Brazzaville : Ramasser les Ordures Rapporte
(Syfia/CRP) A Brazzaville, on trouve des déchets à tous les coins de rues. Cependant, ici et là, des initiatives fleurissent. Des jeunes, regroupés en petite société, passent par exemple de maison en maison récupérer les ordures ménagères, mais beaucoup reste à faire pour que les habitants préservent eux-mêmes leur environnement.
Matin ordinaire à Brazzaville. Il est 7 heures, chacun vaque à ses occupations, sans se soucier des ordures qui jonchent la voie publique, ni des caniveaux remplis d’immondices et d’eaux usées qui dégagent une odeur insupportable. Aux antipodes de la résignation ambiante, dans les quartiers de Talangaï, des jeunes de 20-25 ans, regroupés en petite société, passent de 06h00 à 17h00 de parcelle en parcelle récupérer déchets ménagers et sacs en plastique.
La plupart d’entre eux n’ont jamais fini l’école primaire par manque de moyens et n’ont pas trouvé d’emploi stable. Certains travaillent pour le compte d’une société privée, d’autres en solitaires. Aujourd’hui, leurs familles et leurs amis savent ce qu’ils font et ils sont bien reçus partout où ils passent. "Avant nous étions un peu mal vus, mais les gens ont beaucoup changé", observe Sylvain, 21 ans.
Chaque jour, Samuel, agent depuis 2 ans du COSA Fleuve-Congo, ramasse les ordures d’au moins 40 familles qui le payent directement. "Je ne reverse que 13 000 Fcfa (près de 20 €) à mon employeur, le reste de l’argent constitue mon salaire mensuel", ajoute-t-il. Il gagne ainsi 85 000 à 90 000 Fcfa (129 à 137 €) par mois. Presque le double du SMIG ! Une activité de salubrité publique qui permet à ces jeunes de bien vivre. "J’ai trois enfants, dont deux vont à l’école. Sans ce travail, je ne pourrais pas m’en sortir!", se félicite par exemple Samuel.
En bout de chaîne, les ordures sont jetées dans les parcelles maraîchères ou utilisées pour combler les zones érodées. Certains jeunes les vendent à des agriculteurs, qui les recyclent pour en faire du fumier, d’autres ordures sont brûlées sans se préoccuper des conséquences pour l’environnement...
A Brazzaville, beaucoup d’entreprises et d’ONG collectent et trient les déchets. "Vu l’ampleur du problème, nous étendons notre action dans plusieurs quartiers", explique Arsène IBARA, secrétaire général du COSA Fleuve-Congo.
Une société, ProBrazza, qui vient d’être lancée, collabore aussi avec la municipalité. Présente au centre-ville, elle n'est pas encore visible dans les quartiers populaires. Quelques mairies de la capitale, ont par ailleurs mis à disposition de leurs habitants des véhicules de ramassage et des bacs à poubelles… Cependant, "les gens continuent de jeter leurs ordures sur la voie publique", regrette une autorité municipale de Talangaï.
Difficile, du jour au lendemain, de faire changer les mentalités… Ainsi, si à certains endroits, on remarque une nette amélioration, à d’autres, la situation évolue peu. Là-bas, la gestion des ordures ménagères relève le plus souvent de la débrouillardise. Des habitants s’organisent en groupements, creusant des trous dans la rue et dans les parcelles pour enfouir leurs ordures. D’autres les jettent carrément dans les ravins et les rivières, plus ou moins conscients des dégâts qu’ils causent ainsi à leur environnement. "Ces déchets polluent la rivière, mais nous n’avons pas d’autres moyens", estime une habitante de Talangaï.
"Ces ordures détruisent ensuite le sol !", s’insurge une autorité des services d’hygiène du ministère de la Santé. Médecin chef du centre d’hygiène et de génie sanitaire de Brazzaville, le docteur Innocent Victor OSSETE AYESSA, insiste, lui, sur les risques que font ensuite courir à la santé (vers intestinaux, typhoïde, choléra, etc.) ces eaux polluées.
El-Stael Enkari