Par VINCEN TOHBI IRIE
Le monde entier se demande ce qui lui arrive. Un tel entêtement est inexplicable. La Côte d’Ivoire s’est positionnée sur la carte du monde comme le pays des drames politiques et des idioties électorales. Elle fait la une de tous les journaux, ceux à sensation et ceux plus sérieux.
S’il ne s’agissait pas de milliers de vies humaines lâchement ôtées, s’il ne s’agissait de la réputation d’un pays ternie pour des décennies, s’il ne s’agissait pas de l’avenir de millions d’Ivoiriens, nous aurions eu de l’admiration pour l’opiniâtreté de ce Chef GBAGBO. Mais un héroïsme qui vaut tant de vies innocentes n’en est pas un.
BÉHANZIN, SAMORY TOURÉ, SOUDIATA KÉÏTA que GBAGBO admirait tant n’auraient jamais donné tant de misères à leurs peuples.
A supposer que Laurent GBAGBO eût raison, qu’il eût gagné les élections, qu’il fût dans son bon droit, en tant que chef politique, il n’aurait pu accepter que le peuple qu’il prétend aimer meure ainsi. Même s’il n’y avait pas eu guerre, les embargos sur les biens de première nécessité, la rupture d’approvisionnement en médicaments, la fermeture des banques, le manque de carburant pour le transport de nourritures auraient fait à court terme beaucoup de victimes.
L’histoire et la justice situeront la responsabilité des troupes de OUATTARA dans les tueries et exécutions sommaires à Abidjan et à l’Ouest. S’il y a eu abus des droits de l’homme, les troupes de OUATTARA ainsi que les principaux décideurs devront payer pour ces crimes. La quête de justice doit être dirigée vers tous les camps, les victorieux comme les vaincus. La nouvelle Côte d’Ivoire ne doit être la terre d’aucune impunité.
Mais pour l’heure, l’incompréhensible résistance de Gbagbo a coûté des vies et en coûtera encore tant qu’il résistera et tant qu’il ne donnera pas un signal clair d’accalmie à ses partisans. En tant que leader, il sait que son message épargnera des destructions.
Cet héroïsme d’apparence à partir d’un bunker est une lâcheté que devraient comprendre ses partisans encore fidèles. Un vrai leader est au-devant de ses troupes quand il agit d’une guerre. Il ne se terre pas avec sa famille et ceux qu’il aime tout en demandant aux enfants des autres de mourir pour sa cause et pour lui.
La Côte d’Ivoire et le monde entier auront découvert avec effroi un anti-héros ou un héros anti-social et anti-patriotique. Aucun idéal, aucune aspiration, aucun rêve, aucune illumination ne valaient que meure la Côte d’Ivoire. C’est pourquoi beaucoup de responsables civils et militaires doivent rendre compte pour avoir soutenu ou contribué à entretenir la folie d’un pyromane.
UNE NOUVELLE VIE POUR TOUS LES IVOIRIENS
A voir comment Laurent GBAGBO défend son dernier carré de pouvoir, on peut être heureux que la page de sa gestion soit bientôt tournée. Qu’’il soit traîné devant la justice internationale, qu’il fasse face aux juges de Côte d’Ivoire, qu’il soit chez lui à Mama ou dans n’importe quel pays ami en exil, son inactivité politique nous fera beaucoup de bien à nous tous.
Nous comptons encore nos morts. Combien sont-ils nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos cousins, nos amis nos voisins, nos alliés, nos connaissances, nos compatriotes, nos inconnus qui ont péri dans la lutte de pouvoir entre OUATTARA et GBAGBO ? Nul ne le sait encore. Un porte-parole de GBAGBO a parlé de 10.000 morts depuis 2002. Mais il ne dit pas quelle est la proportion de la comptabilité macabre qui leur est attribuable.
Assurément, les ambitions politiques de GBAGBO et de OUATTARA nous ont coûté beaucoup à nous Ivoiriens. Dans des articles antérieurs, nous avions souligné la nécessité de l’émergence d’une nouvelle classe politique ivoirienne plus consciente et responsable que celle que nous avons eue ces dix dernières années.
Les nouvelles élites issues de la rébellion meurtrière de SORO Guillaume et du patriotisme sanguinaire de BLÉ GOUDÉ ne pourront pas et ne doivent pas être la référence de cette Côte d’Ivoire nouvelle. Tant que nous autres, Ivoiriens des villages et des plantations, Ivoiriens de l’étranger, Ivoiriens des rues, Ivoiriens par amour ou par adoption, Ivoiriens par résidence, Ivoiriens analphabètes, technocrates et diplômés., Ivoiriens fortunés ou pauvres, Ivoiriens de Khorogo, d’Abidjan ou de Zuenoula, nous resterons spectateurs de nos vies nationales, notre Côte d’Ivoire n’évoluera pas. Il nous faut plus d’activisme politique au milieu du village. Nous devons être le garde-fou des dérives et des passions politiques.
Je l’avais souligné antérieurement, je ne mourrai pas pour des hommes politiques idiots. Je mourrai pour mes idées et mes idéaux. L’amour de la Nation est à nulle autre comparable. Dieu, la Patrie, puis la famille. Mais nous devons mériter l’amour de la patrie et vice-versa.
Nous mènerons une nouvelle vie en Côte d’Ivoire sans GBAGBO, cette idée est déjà suffisante pour que nous soyons heureux. Finie l’impunité. Finie l’arrogance des Refondateurs. Finie la caporalisation des médias d’Etat, utilisés pour la gloire d’un individu. Finis les désespoirs de désordre. Finis les quotas aux concours d’entrée à la fonction publique et dans les Ecoles publiques nationales. Finies les impasses. Et surtout fini le règne des mercenaires, des miliciens, des vauriens, des violents.
BLÉ GOUDÉ reviendra sur la scène politique, après ses ennuis judiciaires, mais ce sera un BLÉ GOUDÉ plus sage, qui tentera de convaincre l’électorat à la force des arguments et non à la force des biceps de ses tristement célèbres patriotes. Il nous trouvera avec lui ou en face de lui, si nos idées convergent ou divergent. Mais il lui en faudra beaucoup d’intelligence pour nous guider nous autres car, pour une fois dans cette Côte d’Ivoire d’après HOUPHOUËT, les CV seront la table de négociation.
Une Côte d’Ivoire avec Laurent GBAGBO à la retraite, c’est forcément une Côte d’Ivoire où tous les Partis politiques y compris le FPI re-goûteront à la joie d’une vie politique libre et surtout démocratique. Avec GBAGBO, nous étions sûrs que même si la communauté internationale lui laissait ce mandat, il aurait modifié la Constitution en 2013 pour se maintenir en course à vie.
Le pouvoir chez GBAGBO comme on le voit actuellement n’est pas une question de jeu politique, c’est une question de mort, de prophétie et d’illumination. Nous comptons nos morts et ne savons pas combien ils sont nos frères qui sont morts.
Notre seule satisfaction est que nous ne verrons pas pendant les 4 années à venir la gouaille, l’inconscience et l’arrogance politique d’un Laurent GBAGBO, engagé dans un illusoire combat pour l’indépendance politique et économique de la Côte d’Ivoire, à un moment où les Nations les plus puissantes de cette planète renoncent, pour plus d’efficacité, à cette indépendance en rejoignant les grands ensembles économiques et politiques.
La victoire n’est pas encore acquise totalement. Mais nous aurons l’œil sur Dramane OUATTARA quand il sera investi Président. Nous n’avons pas risqué notre vie à le soutenir contre vents et marées pour qu’il vienne rééditer l’exploit de Laurent GBAGBO.
Notre soutien n’est pas un chèque en blanc. Plus jamais un Président Ivoirien ne se risquera à ridiculiser la Côte d’Ivoire. C’est nous tous qui devrons le ridiculiser.
FPI, C’EST VOUS QUI AVEZ AVEUGLE GBAGBO
Vous avez été un Parti porteur d’espoir. Quand vous êtes sortis de la clandestinité en 1990, toute la Côte d’Ivoire qui aspirait à plus de démocratie vous a fait confiance. Beaucoup sont morts pour vous en 1995, dans votre "boycott actif" des élections d’alors, puis en 2000 quand GUEÏ Robert a tenté de vous voler votre victoire, puis en 2002, quand la rébellion a éclaté, puis en 2004 quand l’Armée française était à deux doigts de renverser votre leader.
Que de morts sur votre parcours politique. Que de sang dans votre quête du pouvoir. Que de cadavres dans la consolidation de votre pouvoir. Que de charniers à votre solde. Que de fantômes qui errent dans les souvenirs de votre gestion politique.
Vous qui étiez si bons, qui aviez de si bonnes idées. Votre cœur de chair est devenu un roc inémotionnel au toucher de l’argent et du pouvoir. Vous les profs qui nous avez appris la contradiction, vous êtes devenus intolérants, libertaires, tortionnaires, démagogues et tricheurs. Vous avez hérité d’un pays bancal, mais vous lui avez coupé les pieds. Il est à terre et peinera à se relever.
Vous avez assisté à la dérive tribalo-dictatoriale de votre leader, sans que vous leviez le petit doigt, sans que vous fassiez prévaloir l’humanisme qui a guidé vos actions au début, sans que vous vous posiez des questions sur votre bilan et sur la direction des affaires.
C’est vous les vrais responsables de notre désespoir, pas Laurent GBAGBO seul. Vous auriez pu lui ouvrir les yeux, équilibrer ses initiatives, le ramener à la réalité. Vous ne l’avez pas fait. En lieu et place, vous avez banni Mamadou KOULIBALY, qui était le seul à vouloir un parti intègre, qui renoue avec ses valeurs. Vous l’avez poussé hors du Pati.
Vous êtes devenus aveugles de pouvoir et avez fermé vos oreilles aux appels du monde entier, des grandes puissances, des voix les plus autorisées, de vos amis qui vous ont appelés à la raison. Vous êtes restés sourds à toutes ces voix. Même quand la crise prenait une autre envergure, vous n’avez pas fait défection, ne serait-ce que pour montrer à votre leader que vous protestez contre l’hécatombe dans laquelle il précipitait le pays. Comment avez-vous pensé que vous pouviez vous léguer contre le monde entier et vivre reclus ?
Et vous voilà face à votre destin. Regardez la Côte d’Ivoire que vous laissez. Regardez le désastre et le paysage de mort que vous nous offrez. En êtes-vous fiers ?
Sortez de notre vie désormais, laissez le Parti à d’autres générations d’Ivoiriens, celles qui sont plus conscientes que vous. Vous avez échoué.
Cela fait plusieurs jours que vous avez tous abdiqué. Votre Armée et certains de vos cadres ont appelé à la cessation des hostilités. Mais votre leader attend encore l’Armée du Ciel que ses Pasteurs lui ont promise. Les Ivoiriens meurent sous les balles de ses miliciens et des troupes de OUATTARA. Vous effraie-t-il autant pour que vous ne lui demandiez pas dans une déclaration solennelle de se retirer du pouvoir ? Vous savez qu’il est dans le faux depuis le début. Mais vous avez banni la contradiction de vos rangs.
Vous étiez dans l’Opposition en des temps plus difficiles de persécution. Mais vous avez tenu et vous êtes arrivés au pouvoir. Vous reviendrez dans 5 ans, dans 10 ans, dans 15 ans. Vous avez fait 45,9 % de voix aux élections présidentielles, c’est très important. Il y a des Ivoiriens qui vous font encore confiance. Mais vous ne pouvez pas lier la vie de votre Parti à la vie de Laurent GBAGBO.
Lui est un homme qui passera, vous, vous êtes un Parti qui devra survivre au temps et aux évènements. Désavouez-le. Il a trahi vos idéaux. Venez à l’écran de notre télévision et demandez-lui de partir afin d’offrir une nouvelle virginité à votre parti qui a encore sa place en Côte d’Ivoire.
Sinon vous serez comptables de ses actes et vous aurez à vous expliquer chaque fois que vous interviendrez dans la vie politique. C’est vous qui nous avez enseigné que le culte de la personnalité était un danger pour la démocratie, pourquoi vous pensez que Laurent GBAGBO est immuable ?